Patrimoine du XXᵉ siècle et logements collectifs : une approche raisonnée de la réhabilitation
Publiée le lundi 10 novembre 2025

Réhabiliter le patrimoine du XXe siècle : enjeux et perspectives pour les professionnels

Eliet et Lehmann - Marché de Chennevières Conflans-ste-honorine (Yvelines)

L’exposition 2025, « Habiter l’Ensemble », et les photographies de Charlotte Rochez, illustrent la place prépondérante du logement collectif au sein du Mouvement architectural moderne . On y trouve les tours et les barres ainsi que les grands ensembles résidentiels et, parallèlement, des réalisations de faible hauteur, maisons en bandes ou avec cour.

Ces logements collectifs du XXᵉ siècle constituent aujourd’hui une part majeure du paysage urbain français.

Comment concilier leurs qualités architecturales et leur adaptation aux usages contemporains ?

C’est à cette question que s’intéresse le CAUE Var à travers la conférence « Patrimoine du XXe et logements collectifs », donnée par Laurent Lehmann, architecte reconnu pour ses réhabilitations sensibles. Une rencontre ouverte aux professionnels du bâti, aux chercheurs et aux collectivités, pour réfléchir ensemble à l’avenir de ces ensembles emblématiques.

Comprendre les défis du bâti du XXᵉ siècle

La réhabilitation des grands ensembles et des logements collectifs construits durant les Trente Glorieuses est un enjeu majeur. Ces bâtiments, souvent décriés, nécessitent des interventions pour répondre aux normes contemporaines tout en préservant leur authenticité et leur intégrité.

Ces bâtiments, qu’ils soient des grands ensembles, des logements sociaux ou des édifices emblématiques, sont confrontés à des enjeux multiples : vieillissement des structures, obsolescence énergétique, et inadéquation avec les normes et les usages contemporains. Par ailleurs, leur réhabilitation est essentielle pour répondre aux défis environnementaux et sociaux actuels, tout en évitant la démolition systématique, coûteuse et peu durable.

Les enjeux de cette réhabilitation sont nombreux et nécessitent une approche pluridisciplinaire :

  1. Préservation de l’authenticité et de l’intégrité : Il s’agit de respecter les valeurs historiques, architecturales et sociales des bâtiments tout en permettant leur adaptation aux besoins actuels. Cela implique de comprendre le sens initial du projet architectural et de préserver les éléments significatifs.
  2. Approche historique et culturelle : L’histoire des bâtiments et leur rôle dans le développement urbain doivent être pris en compte pour éviter une intervention qui effacerait leur identité. Cela inclut la reconnaissance des valeurs patrimoniales, même pour des édifices récents.
  3. Dimension sociale et urbaine : Les bâtiments du XXᵉ siècle sont souvent liés à des projets urbains et sociaux spécifiques. Leur réhabilitation doit intégrer les besoins des habitants et des usagers, tout en favorisant la mixité sociale et la qualité de vie.
  4. Enjeux techniques et environnementaux : La mise aux normes énergétiques et techniques est un impératif pour ces bâtiments souvent énergivores. Cependant, ces interventions doivent être réalisées sans compromettre leur esthétique ou leur structure.
  5. Pluridisciplinarité : La réhabilitation nécessite la collaboration entre architectes, urbanistes, historiens, sociologues, ingénieurs et décideurs publics. Cette synergie permet de concilier les exigences techniques, les contraintes économiques et les aspirations culturelles.

En somme, la réhabilitation du bâti du XXᵉ siècle est un exercice d’équilibre entre préservation et innovation, nécessitant une réflexion approfondie sur les valeurs, l’éthique et les pratiques adaptées à chaque contexte.

 
Photo de chantier au printemps 1953, © Archives municipales d’Ivry-sur-Seine

Photo de chantier au printemps 1953, © Archives municipales d’Ivry-sur-Seine

Réhabiliter, c’est dialoguer : la vision sensible de Laurent Lehmann

L’urgence climatique accélère aujourd’hui la transformation des édifices des Trente Glorieuses, sans toujours considérer leurs qualités architecturales, leur intelligence constructive et leurs valeurs patrimoniales et mémorielles.

La réhabilitation n’est pas un geste de substitution, mais un acte d’écoute, selon Laurent Lehmann. Écoute des lieux, de leur histoire, de leurs habitants et des transformations passées. Il défend une attention avant l’action, chaque bâtiment portant une intelligence propre : époque, techniques, usages, parfois modestes mais justes.

Cette approche s’oppose à l’effacement du passé. Au lieu de « remettre à neuf » à tout prix, L.Lehmann plaide pour une transformation pondérée et contextualisée : intervenir avec mesure, prolonger plutôt que remplacer, dialoguer plutôt que contraindre.

Son ambition : faire émerger la beauté discrète du déjà-là, en conciliant patrimoine, performance énergétique et qualité d’usage.

Cette philosophie trouve un écho direct dans la réhabilitation de la Cité Maurice Thorez à Ivry-sur-Seine, conçue en 1953 par Henri et Robert Chevallier, et reconnue aujourd’hui comme un exemple incontournable.

Comme beaucoup d’ensembles issus des Trente Glorieuses, cet édifice faisait face à des enjeux de confort, de vieillissement et de consommation énergétique. Plutôt que d’imposer une modernisation radicale, les concepteurs ont choisi de documenter et comprendre le bâtiment, d’en révéler les qualités constructives avant d’engager des interventions ciblées.

Le résultat illustre parfaitement ce que L.Lehmann défend : une réhabilitation qui conjugue mémoire et modernité, performance et patrimoine.

Le label Architecture contemporaine remarquable a joué ici un rôle moteur, en fédérant tous les acteurs autour d’un objectif commun — prolonger la vie d’une architecture en y inscrivant les besoins du présent.

Vers une réhabilitation raisonnée du XXe siècle

L’approche développée par Laurent Lehmann, en résonance avec la réhabilitation de la Cité Maurice-Thorez, engage les acteurs du cadre bâti à considérer le patrimoine du XXᵉ siècle comme une ressource et non comme une contrainte.
La réhabilitation devient un exercice de discernement, fondé sur la connaissance, l’écoute et la cohérence des interventions.

Pour les architectes, il s’agit de renouer avec une posture analytique : observer, documenter, comprendre avant de transformer.
Les maîtres d’ouvrage et collectivités sont appelés à instaurer un cadre de projet fédérateur, où performance, patrimoine et usages se complètent.

Quant aux ingénieurs et techniciens, leur rôle s’affirme dans la recherche de solutions performantes, réversibles et compatibles avec la valeur constructive du bâti existant.

Cette vision partagée ouvre la voie à une culture de la réhabilitation éclairée, où chaque intervention devient un acte de continuité : améliorer sans effacer, adapter sans dénaturer. Dans un contexte de transition écologique et de raréfaction des ressources, cette attitude lucide et mesurée s’impose comme une stratégie durable pour penser l’avenir du logement collectif.

Laurent Lehmann en conférence au CAUE Var : Patrimoine du 20e et logements collectifs

 
@Charlotte Rochez pour le CAUE Var

@Charlotte Rochez pour le CAUE Var

Pour approfondir ces réflexions le CAUE Var vous invite à sa dernière conférence de la saison. Laurent Lehmann y présentera son approche, centrée sur l’intelligence constructive et patrimoniale des bâtiments, et comment celle-ci peut guider les interventions sur les logements collectifs.

Architectes, urbanistes, maîtres d’ouvrage et techniciens : cette rencontre est l’opportunité de nourrir vos pratiques, d’explorer des solutions équilibrant performance énergétique et valeur patrimoniale.

Cette rencontre vise à :

  • Présenter des exemples concrets de réhabilitation réussie.

  • Échanger sur les méthodes et les outils adaptés.

  • Réfléchir au rôle de l’architecte dans la transformation des espaces de vie.

Rendez-vous le 27 novembre 2025 au CAUE Var pour une conférence intitulée « Réhabiliter avec Laurent Lehmann ».

Inscription gratuite

Conférence Laurent Lehmann - Patrimoine du XXe et logements collectifs

En
résumé

  • SujetPatrimoine du XXe siècle et logements collectifs
  • DatesJeudi 27 novembre 2025
  • Lieu Faculté de Toulon, Campus Porte d’italie, Bâtiment Pi Amphithéâtre FA110 70 Avenue Roger Devoucoux Toulon
  • Horaires18h30-20h00
  • PublicArchitectes, urbanistes, chercheurs, enseignants, collectivités
  • InscriptionInscription gratuite sur HelloAsso